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Les obsèques du Chanoine Tanquart

NECROLOGIE

Maître Léon Jules-César TANQUART, né à Marchais-en-Laonnois, le 26 mars 1877 AD02 vue 291, ordonné prêtre le 29 juin 1900, professeur de sciences au Petit-Séminaire Saint-Léger, étudiant professeur à l'Institut catholique de Paris en 1903, professeur au petit-Séminaire Saint-Léger, en octobre 1905, puis à celui de Saint-Charles, curé de Beaurevoir, le 6 août 1913, nommé doyen de Beaurevoir, le 10 mai 1920, curé-doyen de Sissonne, le 16 octobre 1924, chanoine honoraire, le 18 avril 1931, décédé à Sissonne, le 9 septembre 1935. Les obsèques célébrées le vendredi 13 septembre, ont été présidées par Monseigneur Mennechet, Evêque de Soissons.

Obsèques de M. L. Tanquart

Elles furent dignes de tous points du regretté défunt comme des excellentes paroisses qui l'ont vu naître, vivre et mourir.
A Sissonne, S. Exc. Monseigneur l'Evêque, qui a tenu à venir donner ce dernier témoignage d'affection à un prètre aussi méritant préside au trône, entouré de Mgr Delorme, de MM. les Archiprètres de Soissons, Saint-Quentin et Château-Thierry, tandis que M. l'Archiprètre de Laon chante la messe, de MM. les Chanoines Jourdain, Dequin, Mary, Poette, L. Jacquemin, Gérin, Mascret, Laruelle, Mignon, Parent, Barbier, Ch. Lefèvre, Famelart, de MM. les Doyens Gargominy, Lemaître, Poette, Roger, Saintyves, Brassier, C. Boulanger, Villaire, Saincir, Troyon, doyen de Monthermé ; de M. le Curé de la Basilique de Notre-Dame de Liesse, des Curés du canton et d'autres, amis fidèles, anciens condisciples ou anciens élèves, au total une soixantaine.
L'église contient à grand peine l'assistance qui s'y presse, ayant à sa tête M le Maire et les Conseillers, le Général du camp voisin, les Anciens Combattants, les Sapeurs-Pompiers, etc. On sent que l'émotion est bien vive dans tous les coeurs et on le voit se traduire de temps en temps par des larmes.
Avant de donner l'absoute, Monseigneur a prononcé l'allocution suivante :

Messieurs et chers confrères,
Mes biens chers frères,

La mort frappe cette année à coups redoublés dans nos rangs multipliant nos deuils et nos embarras, ne tenant compte ni de l'âge, ni des mérites et n'épargnant pas davantage ceux qui par leur situation, leur passé, leur valeur et leur influence, rendent au diocèse les plus appréciés services, comme celui auquel nous sommes venus rendre aujourd'hui le suprême hommage, Maître Léon-Jules Tanquart , Chanoine honoraire de la Cathédrale de Soissons, Curé-Doyen de Sissonne.
Si loin que je remonte dans mes souvenirs de séminariste, c'est lui que je retrouve, l'ayant rencontré à mon entrée jadis au Petit Séminaire de Liesse, où il brillait déjà par sa piété, sa régularité, son ardeur au travail et ses succès.
Et s'il est vrai, au moins en partie, comme l'a affirmé d'une façon un peu absolue l'historien-philosophe Taine que "l'homme est un théorème qui marche", on peut bien dire que ces mêmes qualités qui ont marqué et caractérisé les premières années d'études de notre ancien condisciple ont continué à illustrer sa vie scolaire et à lui assurer chaque année les premiers prix, à en faire un séminariste de premier plan, la joie, la fierté de ses maîtres et de son Evêque et leur plus radieux espoir.

Au milieu de toutes les disciplines qui se partagent le temps et les efforts des élèves du Petit et du Grand Séminaire, c'étaient les sciences exactes qui avaient ses préférences, sans doute à cause du caractère positif et précis de son esprit, et peut-être aussi à cause de l'influence qu'exerça sur lui dès ses jeunes années son compatriote et ami qui devint son professeur de sciences et son modèle, M. le chanoine Jacquelet, récemment ravi à notre affection.

Départ : Hôtel de ville

C'est sur cette constatation que l'Autorité diocésaine, peu après son sacerdoce, l'envoya à l' Institut catholique de Paris pour préparer une licence ès-sciences qu'il conquit d'ailleurs facilement et le nomma professeur au Petit Séminaire Saint-Léger , à Soissons, puis, après l'odieuse expulsion de 1906, au Petit Séminaire Saint-Charles, à Chauny, où par son enseignement si méthodique et si clair, sa piété et sa régularité si exemplaires, il conquit l'estime et l'affection de ses élèves comme la sympathie de ses collègues.

Bien que son labeur de professeur l'absorbât tout entier, il éprouvait cependant quelque attirance du côté du ministère paroissial et, s'il quitta avec regret en 1913 un enseignement qu'il avait su rendre si fécond pendant plus de dix ans, c'est avec une réelle satisfaction qu'il se retrouva dans la paroisse de Beaurevoir dont il venait d'être nommé le curé, en attendant de devenir bientôt le doyen du canton tout entier

C'est là que la guerre le surprit en pleine activité apostolique. Et lorsqu'il put y revenir, après de longs et cruels mois d'exil, il trouva son église affreusement mutilée, comme la plupart d'ailleurs des habitations de la localité. Sans tarder il se mit à l'oeuvre, entrant en pourparlers avec les services intéressés, lorsqu'en 1924 la cure et la doyenné de Sissonne devinrent vacantes.

Mon éminent prédécesseur, qui avait pour lui une particulière estime et qui tout récemment encore profita d'un voyage à Notre-Dame de Liesse pour venir le visiter, la lui offrit, sûr de lui être agréable, Sissonne, c'était presque Marchais, son pays natal auquel il resta toujours si fidèlement attaché : Sissonne, c'était le voisinage de Notre-Dame de Liesse envers laquelle il eut toujours une si vive affection.

Sortie du domicile

La dévastation avait été bien grande là aussi et si sa nouvelle église, lorsqu'il en prit possession, avait pansé ses blessures et relevé ses piliers, il restait beaucoup à faire encore pour en effacer les dernières traces de la guerre. Il s'y employa avec le zèle, l'intelligence et le tact que vous avez pu admirer, et avec le souci constant de travailler en harmonie avec des différentes autorités du pays.

Son église ! comme il l'aimait ! Comme il était heureux à chacune de mes visites de m'exposer dans le détail les transformations sucessives ou les heureux embellissements qu'elle avait reçus ! Dimanche dernier encore, alors que j'étais accouru lui apporter une bénédiction que je craignais bien d'être la dernière, il me dit : "Allez voir les vitraux de mon église". Il eut cette douce joie en effet et cette fierté bien légitime de voir ce dernier complément achever si heureusement la restauration définitive du temple de Dieu. Ces vitraux magnifiques sont à son honneur, à celui du peintre verrier et au vôtre, Mes Frères, qui par votre collaboration et votre générosité lui avez apporté cette suprême consolation.

Mais s'il aimait ardemment son église, c'est à ses paroissiens, à vous, Mes frères, qu'il réservait encore le meilleur de son coeur et de son apostolat. Sa piété, nourrie dès sa plus tendre enfance par une éducation fortement chrétienne, puis par des études théologiques approfondies, et surtout par une vie sacerdotale exemplaire, s'épanouissait normalement en zèle pastoral aussi averti que conquérant.

Aussi je ne m'étonne pas de vous voir ce matin lui rendre aussi universellement un tel hommage de gratitude et je vous en remercie du meilleur de mon coeur. Je ne suis pas étonné davantage d'apprendre ces jours derniers que, vous rendant compte qu'il fallait abandonner tout espoir de le sauver, vous vous disiez les uns aux autres, au souvenir de sa sollicitude à votre égard : "Nous n'en aurons plus jamais de pareil". Paroles qui sont aussi élogieuses pour le pasteur que pour les ouailles ! Heureuses les paroisse qui comprennent et apprécient ainsi leur curé ! Heureux les curés qui vivent, travaillent et meurent au milieu de telles sympathies !

Texte de la carte ci-dessus

La mort ne l'a pas surpris. Et, s'il n'a pas été renseigné aussi tôt que son entourage sur la gravité et l'issue de sa maladie, la vérité s'est fait jour peu à peu dans son esprit, grâce à ses observations et à ses réflexions personnelles, grâce aussi à l'influence si délicatement confraternelle des prêtres voisins qui l'ont si admirablement secouru et secondé et que je remercie vivement : M. l'abbé Guerbé, curé de Boncourt et vice-doyen de canton ; M. l'abé Gosse aumônier de la Communauté de Saint-Erme et M. l'abbé Dewavrin, aumônier du Camp.

C'est très spontanément qu'il demanda lui-même, il y a quelques semaines, les derniers sacrements. "Je veux, dit-il alors, en les recevant en pleine connaissance, donner le bon exemple à ma paroisse".

Et la première parole qu'il m'adressa dimanche dernier, aussitôt que je me fus assis près de lui dans son jardin fut celle-cie: "Mon sacrifice est fait". Parole admirable aussi que celle-là, qui fit songer à celle du grand apôtre Paul s'écriant : "J'ai achevé ma course", ou mieux encore à celle de Notre Seigneur Jésus-Christ sur la croix : "Tout est consommé".

"Mon sacrifice est fait", c'est-à-dire je suis prêt à paraitre devant Dieu. Voici 15 ans que, recevant le sacerdoce dans la cathédrale de Soissons, je lui ai offert pour le salut des âmes qui me seraient confiées le sacrifice de ma vie et de toute mon activité. Ce sacrifice, je l'ai renouvelé chaque matin au saint autel. Sur le point de rendre le dernier soupir, je le renouvelle encore avec une générosité et une confiance que les grâces reçues n'ont fait que grandir dans mon âme, en union avec Notre Seigneur Jésus-Christ le souverain prètre, expirant sur la croix pour le salut du monde. Et de fait il est mort, votre cher Curé, paisiblement, dans son fauteuil, fixant ses regards en haut, du côté du ciel. Heureuses les morts qui ressemblent à celle-là !

C'est notre doux et réconfortant espoir de penser qu'une telle vie et une telle mort ont mérité à celui que nous pleurons la récompense définitive des bons et fidèles serviteurs. Lui qui a manié si bien ici bas les chiffres, les équations et les symboles, le voilà désormais - ou s'il n'y est pas encore nos prières communes l'y introduiront bientôt - dans le sein de Dieu, c'est-à-dire de la Vérité même, qu'il peut contempler face à face, sans énigme et sans miroir. Lui qui aimait tant son église et ses belles cérémonies toujours si bien ordonnées, lui qui était pour le diocèse tout entier la règle vivante de la liturgie, grâce à l'Ordo qu'il rédigeait avec tant de soin et depuis tant d'années, le voilà désormais dans la Jérusalem céleste, dans le Saint des Saints, tout près de Notre-Seigneur Jésus Christ !

Puisse-t-il obtenir de Lui pour cette paroisse qui ne perdra pas de si tôt son souvenir que du sein de ses foyers chrétiens jaillissent des vocations sacerdotales et religieuses comme celles dont il aimait à rappeler le souvenir, celles des abbés Callay, du chanoine Turpin et de mère Saint-Louis, sans oublier Charles de Roucy, l'un des plus illustres enfants de ce pays, comme il a été l'un des plus illustres et des plus saints Evêques de Soissons ! C'est le suprême souhait que nous confions à la fidélité de son zèle comme à celle de son indéfectible amitié. Ainsi soit-il.


Après l'absoute et sous le porche de l'église, M Riniéri tint à s'adresser au si méritant défunt au nom du Conseil de fabrique comme de toute la paroisse le suprême adieu.


L'après-midi, à 3 heures, la même cérémonie funèbre, aussi grandiose et aussi impressionnante se répétait dans l'église de Marchais, trop petite elle aussi pour accueillir la foule qui, guidée par les autorités et sociétés locales, tenait à venir saluer une dernière fois la dépouille d'un des plus sympathiques et des plus regrettés enfants du pays.


Sources : La Vie Diocésaine, 1935 (Archive Evêché, Soissons)

Recherches: Marc Berriot et Jean-François Martin

Mise en page : Marc Berriot - PH


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