Cinquième chapitre : La guerre de 1914-1918 - Les destructions
Les cloches
La guerre de 14-18 fut fatale à presque toutes les cloches en zone occupée. Elles furent transportées dans les usines à obus.
A Sissonne, les cloches existantes à la mobilisation furent réquisitionnées par l'état allemand, descendues par l'ennemi les 23 et 24 novembre 1916 et le 2 janvier 1917. Elles portaient les noms de Séraphine, Elisa et Agnès et le nom des fondeurs Cochois-Fécit (Conseil municipal du 7/08/1924).
Très attachés aux carillons qui rythment leur vie quotidienne, les habitants sont privés du jour au lendemain des sons de leur église.
Selon des témoignages d'époque cette mesure de guerre aura un effet très démoralisant sur la population.
Voici quelques extraits tirés des notes écrites au jour le jour pendant les quatre ans de guerre par le facteur Roux.
1915
25 décembre
Tandis que nous passons cette journée dans la tristesse en nous remémorant, quel contraste il y a envers les années précédentes n'ayant même plus le doux carillon des cloches pour nous réjouir, les allemands ayant défendu depuis longtemps de les faire sonner.
5 août 1915
A 7 h , nous sommes tout surpris d'entendre le son des cloches, les notes du «Roi Dagobert et de Au clair de la lune » s'envolent en de joyeux carillons. Voilà bien longtemps que nous n'avons rien entendu de pareil (11 mois). Qu'est-ce que cela veut dire ?
En sortant, j'apprends que c'est pour fêter la prise de Varsovie que nos ennemis font ainsi carillonner. Nous en sommes tous consternés ? Mais est-ce bien vrai ? Nous voudrions douter quand même.
18 Août
Nos cloches recommencent à carillonner. Aujourd'hui c'est pour fêter la prise de Kommo. Décidément nos amis les russes passent un mauvais quart d'heure.
20 Août
Encore un carillon de cloches, c'est le troisième depuis 15 jours, c'est encore une victoire sur les russes, sans doute, car de notre côté rien ne va.
15 Octobre
Les allemands font démonter les cloches de l'horloge communale à la mairie ainsi que celles des écoles ; elles sont conduites à la kommandantur et sont destinées, dit-on, à être transformées en canons. Quelle triste destinée ! Après avoir servi à sonner la mobilisation, l'appel aux armes des français, elles vont maintenant servir à leur lancer des engins meurtriers. Triste.
1916
11 novembre
Nouvelle affiche concernant, cette fois, la confiscation et la saisie des objets d'église.
Le bruit court qu'ils vont enlever les cloches. Ils ne laisseront absolument rien.
23 novembre
Enlèvement de la grosse cloche de l'église par les allemands. Une pétition circule afin d'essayer d'obtenir qu'ils nous en laissent au moins une sur les trois que l'église possède. On espère pouvoir ainsi garder la plus petite. Quelle calamité pour les régions envahies ! Nos ennemis ne respectent plus rien.
24 Novembre
Enlèvement de la deuxième cloche de l'église.
7 décembre
7 Décembre. Les allemands affichent à la poste que Bucarest est tombée entre leurs mains. Nous n'y comprenons plus rien. Que font donc les roumains et les russes ?
Pour cette victoire ils ont encore fait sonner les cloches dans les villages voisins où elles ne sont pas encore enlevées. Chez nous, ce n'est pas l'intention qui leur manquait, mais comme il ne reste qu'une cloche, ils ne pouvaient pas en faire sortir de joyeux carillons.
30 Décembre
Enlèvement de la 3ème cloche de l'église, malgré la pétition signée par la plupart des habitants demandant qu'elle y soit laissé. Au moins la plus petite. Rien n'y fait.
Le descente des cloches
Aux archives du Baden-Würtenberg en allemagne, nous avons retrouvé quelques photos représentant la descente de la grosse cloche de Sissonne le 23 novembre 2016.
Probablement la suite du voyage des cloches de Sissonne. Transport et embarquement sur train.
1918 : Les démolitions
Après plus de 4 ans d'occupation, les troupes allemandes se replie sur leur seconde ligne, la Hunding-stellung, qui se situe sur la gauche de la route Sissonne-La Selve.
Le 4 novembre, l'ennemi a manifesté une grande activité d'artillerie, exécurant de nombreux harcèlements, particulièrement sur Sissonne.
Après de durs combats, Sissonne est libéré. Le 5 novembre, l'ennemi a abandonné ses positions, mais les nombreux bombardements laissent le village en ruines.
L'église est particulièrement touchée.
Le facteur Roux écrit :
11 novembre 1918 - Retour à Sissonne
Après un mois passé à Mauregny-en-Haye, le 11 novembre, jour de l'armistice, nous rentrions dans nos demeures à Sissonne. Nous y trouvons notre village dans un triste état, les trois-quarts des maisons étaient plus ou moins atteintes par le bombardement qui dura jusqu'au 5 novembre, et les rues remplies de projectiles non éclatés de toutes les tailles.
Notre beau clocher en pierre qui s'élevait si fièrement vers le ciel bleu est coupé à moitié.
Le cimetière
Dans l'angle supérieur droit du cimetière, on peut distinguer les tombes de militaires inhumés pendant la guerre 1914-1918.