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L'Histoire de « Sissonne »

Sissonne... Ancienne cité gallo-romaine et mérovingiennne

Extrait du Bulletin officiel municipal N°2 de 1969

Les premiers hommes qui apparurent dans notre région ne furent pas sans remarquer que les marais de la Souche attiraient des bandes d'oiseaux migrateurs et ses bords devinrent de bonne heure, ce qu'ils sont restés, un excellent terrain de chasse et de pêche.

Cimetière mérovingien de Joffrecourt.Squelette mis à jour le 19 avril 1960

Ces hommes n'eurent longtemps pour armes et pour outils que les silex qu'ils ramassaient. D'abord ils les façonnèrent grossièrement à l'aide d'un percuteur, puis ils arrivèrent à les polir avec patience. Ces opérations successives marquent deux stades de civilisation.

On a retrouvé sur le terroir voisin de Boncourt, du côté de Sissonne, un atelier de silex que l'on fait remonter à la fin de la période dite néolithique ; sans avoir été jamais fouillée méthodiquement, cette primitive « usine de guerre » a révélé des percuteurs qui ont en général la grosseur d'un oeuf de poule et quelques uns d'une noix, des grattoirs, des racloirs, des tranchets, des pointes de flèche.

Une découverte plus intéressante est celle dont M. le Docteur Paul Froehiicher, ancien Maire de Sissonne, a fait un récit au Congrès International tenu à Monaco en 1906, d'un beau dolmen de l'époque de la pierre polie enfoui au flanc du Mont d'Isle, un de ces mamelons crayeux qui se trouvent au bord méridional du marais, près de la limite du terroir de Marchais. Après avoir enlevé trois énormes blocs de grès, dont le plus volumineux pesait plus de 7000 kilogrammes, il trouva d'autres grès de forme plate plantés verticalement dans le cran, la pointe en bas, et maçonnés, pour ainsi dire, avec des pierres sèches. Du côté du levant, un vestibule donnait accès à une chambre funéraire fermée par deux dalles, où reposaient dix-sept ou dix-huit squelettes de la race Cro-Magnon, qui paraissaient avoir été placés sans ordre. L'état des ossements permettait de supposer qu'ils avaient été apportés après un stage dans un endroit où ils étaient dépouillés de leurs chairs, ou après une tentative de crémation qui avait produit le même résultat. Les crânes étaient plus ou moins abîmés, mais semblaient, pour la plupart, du type dolichocéphale. A côté des squelettes dont il ne subsistait que les os principaux, se trouvait une demi-mâchoire de cerf, des haches polies emmanchées dans une gaine en corne de cerf, des éclats de silex et des fragments d'une petite poterie de forme allongée et de couleur noirâtre, dont la pâte grossièrement façonnée s'écrasait sous les doigts. Des pieux de bois plantés le long des parois et surtout, au centre, semblaient délimiter des cases.

Le Prince Albert de Monaco voulut, en se servant de treuils et de wagonnets, transporter ce curieux dolmen dans le parc de Marchais où il fut reconstitué exactement. Les ossements et les objets qui les accompagnaient ont pris place au Musée anthropologique de Monaco.

Il n'est pas rare de trouver dans les marais des instruments de pierres polies, ou des fragments de poterie. Ces témoins de l'homme primitif « les légendes racontées par de vieux habitants du pays, les blocs de grès isolés ou associés qu'on nous a signalés, concluait le Docteur Froehlicher, nous laissent à penser que cette contrée était loin d'être aussi déserte et peu fréquentée qu'aujourd'hui... Les diverses sépultures retrouvées siégeaient les unes en pleine tourbe, les autres sur un sol sablonneux, très proche de la tourbe et qui, pendant la plus grande partie de l'année, est infiltrée d'eau. Cette constatation démontre combien peut être variable l'aspect d'une tourbière, suivant les époques où on la considère. Car on est forcé d'admettre que nos ancêtres choisissaient leurs lieux de sépulture en des endroits où ils se croyaient sûrs d'être à l'abri de l'invasion des eaux ».
Après les Ligures, petits et bruns, notre pays fut peuplé par les Gaulois, grands et blonds. Tout le pays de Laon fit partie de la puissante peuplade des Rêmes, qui étendait son autorité des bords de l'Oise à ceux de la Meuse. On sait qu'elle fut la première et la plus fidèle alliée de César.

La construction d'une voie qui conduisait de Durocortorum (Reims) à Bagacum Nerviorum (Bavai) apporta à la région une nouvelle vie et une civilisation supérieure. C'est ainsi que sur cette route, Nizy le Comte même devait être une cité opulente, car son sol a révélé l'existence d'un théâtre et de riches villas.

Au mois de septembre 1853, M. Turpin, cantonnier, qui creusait un petit fossé pour séparer sa garenne d'une terre voisine, à 150 mètres environ de la Porte-Rouge du Parc de Sissonne, et un peu à droite du chemin vicinal de Sissonne à Montaigu, sortit du sol deux vases en poterie romaine, très bien conservés, et dont l'un était rempli d'ossements calcinés. M. Laisné, Maire de Sissonne à l'époque, fit continuer les fouilles qui permirent de découvrir, presqu'à fleur de terre, les fondations de deux petites habitations et les murs d'enceinte d'une vaste cour, un vase funéraire rempli d'ossements calcinés, un grand nombre de poteries variées, deux meules intactes de moulins à bras, de jolies fibules en bronze, divers ustensiles en bronze et en fer, des tuiles à larges rebords et quarante pièces de monnaie en bronze des premiers empereurs. Au lieu-dit « La Croupe Mansion », distant d'environ quatre kilomètres au Sud-Est du bourg, d'autres fouilles mirent à jour les ruines d'une construction romaine, ornées de peintures murales semblables à celles de Nizy-le-Comte et de grandes tuiles à larges rebords trouvées dans les deux chantiers montraient par leur vitrification qu'elles avaient subi l'épreuve du feu.

M. Laisne en concluait que ces maisons avaient dû être brûlées par les Vandales qui saccagèrent la Gaule belgique et livrèrent la ville de Reims aux flammes en 407. C'était là le premier contact avec la barbarie que subissait Sissonne placé pour son malheur sur une route d'invasion.

Or, au mois de mars 1967, un agriculteur de Sissonne, labourait un de ses champs au lieu-dit « Les Terres Franches » lorsque sa vue se porta sur des piécettes qui se trouvaient dans les sillons de sa charrue. Il entreprit alors des fouilles plus approfondies et découvrit un certain nombre de pièces datant de l'an 60 à l'an 190. Ces pièces, au nombre de 136, devaient se trouver dans une poterie qui a été également mise à jour, et, chose curieuse, des dés à jouer se trouvaient également parmi ces pièces. De quoi faire rêver les collectionneurs.

Au cours de travaux exécutés au Mont de Pagneux, au Nord de la route de Laon, le 22 mars 1871, une vingtaine de squelettes d'hommes sont apparus, sans trace de cercueils, dans une couche sablonneuse, à environ 60 centimètres de profondeur ; près d'eux il n'y avait que de petits morceaux de fer informes et deux petits vases en terre d'un gris noirâtre, assez grossièrement façonnés, l'un à goulot étroit et l'autre largement ouvert.

Au mois de novembre suivant, non loin de là, à cent mètres environ du canal de la Souche, près du hameau de Bel'Air, des ouvriers qui creusaient des fossés atteignirent de leurs pelles deux belles ampoules contenant des cendres et des débris d'os calcinés, la première en verre blanc et un peu ébréchée au collet, la seconde en verre bleuté non irisé, une petite coupe de verre en forme de patère et le couvercle d'un autre vase. Tout après gisaient, à moins d'un mètre de profondeur, deux cippes ou pierres mortuaires, où l'on voyait sculptés sous un arc cintré, au-dessus d'un fronton triangulaire, des hommes en robe et en toge, tenant de la droite un gobelet posé sur leur main gauche.

En 1875, M. de Florival présenta à la Société Académique de Laon, dont il faisait partie, un vase mérovingien en excellent état, des fragments de vases en verre d'une très grande finesse et des débris de poterie gallo-romaine. Il signalait en même temps la découverte d'un cimetière mérovingien sur lequel nous n'avons pas d'autres détails.

Cimetière de Joffrecourt. Vase mérovingien (Vème - VIIIème Siècle après Jésus-Christ)(Photo G. DUMAS)

Or, ne voilà-t-il pas qu'en avril 1960, alors que des militaires se trouvaient en manoeuvres au Camp de Sissonne et cantonnaient près de l'ancienne ferme dénommée « Joffrécourt », ces derniers mirent à jour plusieurs sarcophages contenant des squelettes bien conservés. Des fouilles furent aussitôt entreprises sous la direction de M. Dumas, Archiviste Départemental, et en compagnie de M. Avez, Secrétaire de Mairie, et de MM. Rigaux et Lobjeois, Archéologues laonnois bien connus.

Malheureusement, ces tombes qui se trouvaient à fleur de terre, avaient été violées de très nombreuses années auparavant et c'est probablement ce même cimetière qu'avait découvert, un siècle auparavant, M. de Florival. Elles étaient toutes orientées de telle manière que les morts avaient été ensevelis la face vers l'Est, c'est-à-dire vers le soleil levant. Du reste, le squelette d'un de ces sarcophages a été soigneusement dégagé et le Docteur Augeix, de Laon, qui a étudié les os, pense qu'ils devaient appartenir à un homme jeune, mesurant 1,62 m. Malheureusement, à côté de ce squelette, on n'a trouvé que des débris insignifiants de poterie.

Mais tout près d'un autre sarcophage, on a découvert un petit vase presque intact, de 9 cm de hauteur et de 10,5 cm de diamètre. Manifestement fait au tour, il est de couleur brune. M. Rigaux l'a restauré.

Au même endroit, on a trouvé deux morceaux de fer très rouillés qui avaient fait partie d'une même plaque cassée. M. Rigaux a constaté en les frottant avec une brosse de fer, que des filets de laiton apparaissaient sous la rouille. Le Docteur Villoutreix, médecin-radiologue, a pris plusieurs radios de ces deux bouts de fer. Toutes ont fait apparaître sous la rouille un réseau géométrique de damasquinage, c'est-à-dire que sur la plaque de fer, ont été incrustés des filets de laiton formant des dessins géométriques. On donne ce nom à cette technique parce qu'elle fut employée pour la première fois à Damas en Syrie.

Quel usage pouvait avoir cette plaque de fer ? Du côté cassé, elle se termine par un bord arrondi prolongé lui-même par une patte. A cette patte devait être attachée une boucle. C'était donc sans doute la plaque de ceinturon d'un militaire de cette époque.

D'après cette plaque de ceinturon damasquinée et d'après le vase, il s'agit manifestement d'un cimetière mérovingien (Vème - VIIIème Siècle après Jésus-Christ).

Ainsi donc le sol de notre région recèle des vestiges très intéressants des premiers habitants de Sissonne et il serait très instructif pour les jeunes d'en poursuivre les recherches avec méthode.

 

Voir aussi la page "Jeoffrecourt" dans la rubrique "Monuments et sites"

 

Source : Bulletin officiel municipal N°2 de 1969

Mise en page PH.

 


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